Article original écrit pour le site www.lesmotspositifs.com
Les jeunes, ces âmes blessées au destin brisé vont-ils s’en sortir après le covid, après la guerre ? La période que nous vivons est lourde, voire traumatisante en changements. Elle va certainement laisser la place à une transformation profonde et intérieure pour chacun d’entre nous. Mais elle va toucher plus profondément la génération plus jeune.
Olena 17 ans est arrivée en France avec deux autres camarades. Elle a laissé sa famille en Ukraine dont son petit frère qui vient de naître. La guerre l’a séparée des siens.
Lucie, 15 ans ne veut plus venir au lycée. Elle est enfermée sur elle-même. Le covid l’a coupée des autres.
Comment vont-ils s’en sortir après le covid, après la guerre ? Arriveront-ils à se reconstruire après tout ça ? Parviendront-ils à renouer les fils de leur destin pour avancer ? Alors que tant de freins, d’obstacles ont créé des trous dans leur parcours scolaire, social, culturel, et tout simplement relationnel, comment allons-nous pouvoir en tant qu’adultes les accompagner ?
Le destin brisé : un traumatisme à surmonter.
Les âmes blessées ont les mains lourdes d’émotions. Ils tiennent leurs sacs comme ils peuvent. IIs ont respiré dans des masques pendant 2 ans, ils ont perdu le sens du lien et désormais certains arrivent en ressortissants dans nos pays pour fuir la guerre.
Nous parlons du destin brisé des jeunes. Ce destin qui ressemble à celui d’un chaos sans nom qui se déroule en arrière-plan sans que nous puissions agir, les pieds et mains liés. Ce chaos qui petit à petit bouscule et fait tomber les plus jeunes tandis que nous espérons que tout s’arrête et que tout aille mieux.
On parle de destin brisé quand tout semble ne plus avoir de futur. Cependant, c’est surtout la rupture avec soi qui entraîne le trouble sur le destin de la vie ? La pandémie, la guerre a entraîné une perte totale de sa place tant moralement que physiquement. Cet auto-deuil est relié à un psychotraumatisme.
Aujourd’hui 6 à 10% des personnes vivent un psychotraumatisme.
Qu’est-ce que le psychotraumatisme ?
Le psychotraumatisme apparaît lorsqu’un individu s’est retrouvé brutalement confronté à une situation et a généré en lui des conséquences psychologiques importantes. Ce sont des souffrances majeures qui peuvent nous paralyser pour la suite.
Les déclencheurs d’un psychotraumatisme peuvent être divers :
- Une séparation brutale
- Un deuil
- Une guerre
- Une violence physique
- Un isolement forcé (confinement par exemple).
- Un viol
- Une violence sexuelle
Autant de douleurs et d’épreuves inattendues sur le chemin de la vie qui bousculent l’état normal de la personne. La personne se retrouve en quelque sorte dans un état de sidération et va donc se retrouver bloquée dans une prison intérieure et intime qui va la maltraiter au fil du temps si elle ne trouve pas la porte de sortie.
On parle d’état de stress aigu lorsque la réaction au traumatisme est de courte durée. On parle d’état de stress post traumatique lorsque ces troubles s’installent dans la durée. Ce stress peut devenir une pathologie psychiatrique. Nous nous décentrons de nous-même. Il faut savoir que toutes personnes victimes de violence sans exception sont susceptibles de développer de tels troubles.
Face à un événement chacun réagira différemment. Un psychotraumatisme dépendra en effet de la façon dont la personne le percevra dans sa vie, dans son histoire. Mais il faut bien distinguer que ces gros chocs traumatiques sont anormaux et ce n’est pas la réaction de la personne qui est à juger.
Il est donc important de considérer aujourd’hui la situation dans laquelle nous nous retrouvons face à la pandémie, et face à la guerre déclarée en Ukraine.
Oui un sentiment de peur nous envahit, oui en tant qu’adultes nous ne voulons certainement pas cela pour nos enfants. Nous portons une responsabilité mais ce sont surtout tous ces jeunes, ces âmes blessées qui vont devoir apprendre à se reconstruire, à vivre.
Nos enfants ont perdu en quelque sorte leurs repères, ces enfants ukrainiens ont vu leurs racines, détruites par les bombes. Leur ancrage vacille face à la vie. Il apparaît alors difficile de redémarrer autre chose sans ces racines.
Boris Cyrulnik parle d’ailes cassées lorsque les racines sont coupées, disparues. Dans son livre « Les âmes blessées » cet auteur spécialiste de la résilience nous emmène dans son chemin de compréhension face à la guerre, face à ce monde où il a fallu vivre pour ne pas y mourir.
On se met alors quelques instants à la place de ces jeunes qui vivent la guerre dans leur pays et la fuient. Ils sont cette âme blessée qui cherche la liberté. On comprend alors combien ces jeunes auront du mal à refaire pousser dans leur dos de nouvelles ailes.
Pourtant, 75% des personnes vivant un choc traumatique vont réussir à dépasser cet événement.
Ces jeunes ont subi la pandémie, tourné la page rapidement en enlevant le masque. Ils ont agi comme ils pouvaient. Ces jeunes ukrainiens arrivent, un ordinateur dans le sac et l’envie de faire comme les autres ados dans un établissement : apprendre et continuer.
Après le confinement, les jeunes ont raccroché à leur scolarité tant bien que mal les yeux baissés, les rêves parfois éteints, les compétences scolaires abîmées, égratignées par les coupures, et les solitudes face aux apprentissages.
Blessés, fatigués, perdus, en proie à d’autres repères dans lesquels leurs larmes sont cachées, leurs cris sont enfouis d’incompréhensions mais leurs cœurs encore bourrés de courage. Les jeunes âmes blessées au destin brisé se créent une nouvelle vie au travers de la guerre. Ils se dessinent un nouveau visage face à l’impensable, face à l’inacceptable, face à l’inattendu définitivement.
Ils vivent un traumatisme qu’ils ont appris par la force des choses à dépasser comme ils pouvaient. Certains mieux que d’autres, mais ils l’ont fait. Ils ont reçu les coups et se sont retrouvés face à leur résilience. Ils ont compris qu’on leur avait coupé leurs ailes et que pour continuer il va falloir en faire renaître des nouvelles. Comment vont-ils apprendre à se reconstruire ?
Les jeunes au destin brisé ne seraient-ils pas les guerriers de la vie ?
Le destin brisé des jeunes à cause de la guerre est une réalité qui nous concerne une nouvelle fois tous. La guerre est une souffrance et d’autres traumas peuvent fragiliser, détruire le destin d’un enfant. Alors, nous avons tous un rôle à jouer dans cette reconstruction.
Certaines familles accueillent ces destins venus d’ailleurs. Les établissements scolaires assurent cette continuité éducative en les intégrant au milieu des autres élèves.
Mais comment ce destin brisé va-t-il pouvoir se reconstruire ? Comment ces âmes blessées vont-elles trouver un peu de lumière au bout de ce tunnel ?
Quelles sont les portes de secours à tant de souffrance, de déracinement et d’incompréhension ?
C’est un long chemin qui les attend pour guérir leurs âmes blessées. C’est un long processus d’amour pour eux-mêmes et d’amour envers la vie qu’il va falloir trouver.
Laisser derrière le passé et trouver l’entrain, le dynamisme de croire en autre chose et de toucher une nouvelle liberté de vie.
Le mot « résilience » n’a jamais eu autant de sens que dans la perte de repères et quand il faut tout recommencer. Rien ne sera plus comme avant. Comment avoir de la résilience dans ces traumatismes profonds?
Ces jeunes âmes blessées au destin brisé ont ces mains nouvelles pour un autre futur. Ils sont ces guerriers de la vie. Ils n’ont certainement pas la réponse à tout mais en tous les cas ils nous montrent à tous comment ils tiennent et comment ils continuent. Leur résilience est une véritable guerrière au bouclier solide.
Les jeunes aujourd’hui n’ont pas le choix que de créer un nouveau socle de liberté et de conscience.
Ils vont créer un nouveau projet de société qui repose sur un changement de paradigme pour la société. Les clivages générationnels sont plus que jamais en route.
Les jeunes se retrouvent face au chaos et tels des guerriers ils livrent la plus grande des batailles de la société de demain. Une vision du monde transformée les aspire.
Le spleen post covid a fait dire aux jeunes combien cette pandémie a bouleversé les liens avec leur entourage.
Les jeunes ukrainiens qui arrivent en France sont pour certains seuls sans leur famille qui est restée là-bas.
La coupure des liens émotifs et sociaux fait partie des critères de refondement pour l’écologie humaine. Les jeunes veulent tisser des liens différents mais plus authentiques. Ils ne parlent pas d’engagement mais de bonheur.
Les jeunes apprennent et vont s’en sortir. Ils sont la réponse de demain face à un présent bouleversé et tué.
Quand le pouvoir de la résilience aide à la reconstruction de ces destins brisés, on ressent alors toute la puissance que ces jeunes possèdent.
Nos générations passées dans les guerres ont reconstruit. Cet héritage à présent doit visiblement changer pour laisser place à des jeunes fragilisés dans cette impasse, il est vrai mais au bord d’une renaissance.
C’est dans la douleur que le changement s’opère. Aussi déraisonnable que cela puisse se lire.
C’est dans le chaos que sont nées les étoiles.
Aidons nos jeunes à briller et surtout en ne leur brisant pas leurs rêves, leur place. Inspirons-leur un amour qui les sauvera et les réunira.
Ces âmes blessées ont besoin de nous, ont besoin de cercles sincères et sécurisants aussi.
Leur résilience colmatera leurs blessures sur le temps mais pour réparer le monde, il va falloir à nouveau leur redonner des ailes de confiance.
Nos jeunes guerriers trouveront cette confiance en eux si nous leur permettons d’exister.
Réparer ses blessures c’est aussi toucher le fond des cœurs. Le deuil, la guerre, la solitude, la maladie font vivre ce que nous avions éteint dans l’apparence de la vie.
Boris Cyrulnik a dit une chose face à la guerre : « On a tous le choix entre comprendre et condamner. »
Nos jeunes guerriers et âmes blessées ont besoin d’avoir un chemin éclairé de compréhensions pour pouvoir vivre. Et la compréhension du monde ne se fait pas dans la condamnation mais bien dans la réconciliation authentique avec soi-même face aux traumatismes. Elle se fait alors dans le pardon. Apprenons-leur ce chemin aussi pour qu’ils puissent croire en d’autres choses et se libérer du fardeau passé. Renaître de sa souffrance c’est le concept même de la résilience.
Écrivons l’histoire, écrivons la plume libre et aimante sans davantage les faire souffrir.Créons des espaces d’expression pour nos jeunes qui ont tant à dire sur ce qu’ils vivent aujourd’hui. Faisons en sorte que ces âmes blessées laissent la place à des âmes magiques.
Pour terminer ce texte, je vous invite à visionner la vidéo créée par un jeune lycéen qui est sans conteste un merveilleux guerrier créateur de vie : « Les lycéens s’engagent pour l’Ukraine ».
Nelly