Le premier regard est en étroite collaboration avec notre cerveau. Ce dernier juge les personnes en un clin d’oeil et cela peut être difficile de sortir de ce jugement. Cette attitude peut s’avérer pourtant dévastatrice pour les personnes différentes qui subissent ce premier regard.
On ne doit pas juger quelqu’un au premier regard car vous avez de fortes chances de vous tromper sur la profondeur de la personne et de passer à côté de quelqu’un d’essentiel et de profondément riche pour vous.
Au-delà du fait que nous sommes influencés par cette première impression. Les apparences n’en demeurent pas moins trompeuses parfois. Cependant j’irai plus loin dans mon propos car au travers du jugement, vous amplifiez la différence de certaines personnes qui tentent de vivre au milieu des normes soit- disant acceptables.
J’aborderai donc la différence chez les enfants. Certains enfants hypersensibles et/ou souffrant du Trouble Déficitaire de l’Attention ou de l’autisme et/ou de toute autre forme de troubles sont les proies à beaucoup de jugements. C’est une douleur à l’intérieur avec laquelle ils doivent sans cesse vivre.
Dans le livre ” Le royaume de Séraphin” de Mélodie Ducoeur, on est frappé en plein coeur par la souffrance muette de Dimitri, le petit garçon de l’histoire. Il est hypersensible et atteint du TDA. Il est rejeté par ses amis. Il tait son coeur meurtri à l’intérieur de lui pour ne pas que sa maman s’inquiète et parce qu’il pense ne pas avoir sa place.
Sa maman déborde d’amour pour son fils mais elle se retrouve démunie face aux jugements des autres à l’égard de son fils. Le harcèlement que subit Dimitri lui brise les ailes. Être harcelé, c’est connaître les noirceurs du jugement.
Comment se manifeste le premier jugement?
Avez-vous entendu parler de “l’effet de halo ». Cette tendance à juger quelqu’un dans son ensemble d’après un détail ou simplement une première impression.
L’effet de halo fait référence à l’auréole que l’on retrouve dans les tableaux d’inspiration religieuse. Placée au-dessus d’un personnage, elle suffit à rappeler qu’il s’agit d’un saint, c’est-à-dire qu’il est globalement bon et digne d’estime !
Je vous laisse donc imaginer combien cet effet de halo peut être prégnant dans le jugement de la personne.
Il suffit que vous soyez en dehors de certaines normes dites conventionnelles, dites structurantes pour la société pour que vous soyez relégué au rang des différents et à mettre de côté.
Dimitri, le petit garçon de l’histoire de Mélodie est attiré sans cesse par l’extérieur. Tous ses sens sont sans arrêt en éveil. Ce n’est donc pas de sa faute s’il ne dit pas tout de suite bonjour à quelqu’un. Son esprit sera préoccupé par toute autre chose, comme un papillon qui passe devant lui.
Cela ne fait pas de lui un garçon impoli.
Le jugement est dévastateur
Il est difficile de ne pas se laisser influencer par l’effet de halo. Ce dernier agira toujours de façon inconsciente.
Juger quelqu’un est un acte éminemment social. La cible et la source du jugement sont en lien avec la relation. La relation impliquant tout ce qui est d’ordre affectif, cognitif, comportemental. A cela s’ajoutent différentes dimensions:
-La dimension culturelle
-l’environnement social
-le contexte organisationnel.
Ces différentes dimensions sont ancrées dans des normes et des valeurs qui vont diriger le processus d’évaluation envers la personne.
Juger quoi? Pourquoi? Comment?
Au travers du jugement, vous estimez la valeur d’autrui. Cela est donc très limitant et nous enferme dans des croyances empêchant les liens humains de se réaliser pleinement. Juger ce petit garçon Dimitri parce qu’il n’a pas dit bonjour limite grandement ce qu’est ce petit garçon au fond de lui.
Il porte dans son coeur tout un monde avec lequel il essaie de vivre au milieu des autres. Il essaie de s’adapter mais cela est compliqué pour lui de faire comme tous les autres.
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Vous comprendrez donc qu’il y a toute une éducation à entreprendre dans le jugement d’autrui. Comment sortir des jugements? Comment aller vers une acceptation des autres dans leur globalité d’être plutôt qu’une tolérance? L’autre ne doit pas être toléré mais accepté.
Quelle est la différence entre tolérer et accepter?
La tolérance est le fait d’admettre quelque chose de manière passive sans pour autant y adhérer. Celle-ci ne peut exister sans le conflit.
L’acceptation est l’adhésion enthousiaste à la différence, même si elle n’est plus à proprement parler une tolérance car elle ne fait plus suite à un conflit, celui-ci étant résolu.
Il y a donc une nette différence car dans la tolérance, vous êtes toujours dans le conflit alors que dans l’acceptation celui-ci a disparu pour laisser place à la relation.
Il est donc important d’éduquer le plus tôt possible les jeunes à l’acceptation. Car derrière la tolérance prône le juge. Dans l’acceptation, il y a une ouverture du coeur, une libération vers l’autre qui peut être différent de moi.
L’importance dans l’éducation d’expliquer la différence plutôt que de réprimander dès que les autres n’acceptent pas cette différence.
Le personnage Dimitri ne fait pas exprès d’être ainsi et ce n’est pas une raison pour le rejeter, le punir, le harceler ou le haïr.
Pourquoi ne faut- il pas juger les personnes?
On ne doit pas juger quelqu’un au premier regard. On ne doit pas juger quelqu’un sans le connaître, sans avoir une compréhension de ce qu’il vit, de qui il est.
Le jugement mêlé au harcèlement peut avoir des conséquences dramatiques.
Il crée un vide à l’intérieur de la personne avec cette sensation de ne jamais être compris, d’être toujours en marge et d’être toujours seul au milieu des autres. Se libérer du regard des autres est difficile pour les adultes, alors pour des enfants cela est encore plus pénible. Car l’enfant est en construction. Son développement personnel va être en lien avec sa relation aux autres. L’altérité va lui renvoyer beaucoup de choses sur lui-même. C’est malheureusement dans le regard des autres qu’il se verra la plupart du temps. Juger quelqu’un au premier regard c’est comme dire qu’un gâteau n’est pas bon à cause d’une apparence qui vous déplairait alors que vous ne l’avez même pas goûté.
La solitude dans le coeur d’un enfant peut donc être immense quand il voit ce reflet de lui-même dans le regard haineux, moqueur des autres.
Il se pense monstre, il se croit tellement différent des autres. Il se croit absent dans un monde.
Il ressentira un trou béant dans son âme. Sa tristesse, teintée de colère, de haine et de désarroi pourront mener jusqu’au suicide malheureusement. C’est ce que Dimitri fera en sautant du pont.
Comment éviter le jugement? Comment éduquer à la différence?
L’éducation à la différence est essentielle pour éviter le jugement. Les enfants sont capables d’une plus grande acceptation que les adultes si on leur explique et si on les guide dans cet apprentissage de l’autre et de toute son identité. Comprendre que le jugement de l’autre ne me définit pas en tant que personne est un long processus.
Alors quand Dimitri, le petit garçon dans ” Le royaume de Séraphin” se retrouve proie aux quolibets et rejets de la part de ses camarades, on peut imaginer comment son esprit peut leurrer sa véritable personne.
Alors que son trouble et sa différence sont une richesse teintée d’une connexion au monde exceptionnelle, il se retrouve mis de côté dans la violence du harcèlement.
Comment accompagner les jeunes dans cette éducation de la différence?
L’adulte a un rôle essentiel à jouer. En effet, ce n’est pas en réprimandant les enfants qui auraient fait du mal que la solution se trouve et résout le problème de l’acceptation. En revanche, expliquer qu’il y a de la place pour tout le monde, pour tous les enfants quel que soit leur appréhension du monde, quel que soit leur attitude, quel que soit leur perception et leur façon d’exister. Personne n’est à mettre dans une cage sous prétexte qu’elle regarde les étoiles ou qu’elle aime sentir la pluie sur le bout de son nez alors que d’autres analysent tout et font de la société un monde stéréotypé. On ne doit pas juger quelqu’un au premier regard car vous risquez de mettre des larmes dans ses yeux.
Le coeur humain semble alors ne plus battre pour lui-même mais pour les autres.
L’humour dans la différence
Dans l’histoire du royaume de Séraphin, Dimitri et sa maman décident de créer des saynètes en montrant au travers d’un personnage, Dimitri dans la vie de tous les jours.
Cette ouverture, ce dévoilement de soi a permis aux camarades de la classe de mieux comprendre d’une façon ludique et marrante la vie de Dimitri, comment son quotidien se passe.
Dimitri fut ainsi accepté par ses camarades de classe.
Expliciter, raconter, écrire un scénario pour dire une vérité aux autres est souvent un moyen de ne pas se prendre en pleine face notre différence.
L’humour abordé aux détours des moments du quotidien ont permis à Dimitri de toucher ses camarades et de se faire accepter dans sa différence.
Il devient alors un enfant comme les autres qui rit de tout.
Et finalement parfois, chaque enfant se ressemble dans sa différence, dans sa particularité.
Le rire rassemble et unit les coeurs. Dramatiser, ou bien punir dans ce genre de situations n’est pas forcément la clé d’accès à l’acceptation.
L’auteure a le coeur sensible d’une maman qui sait de quoi elle parle. Et je la remercie pour tout ce voyage en plein coeur où le combat contre le harcèlement, le jugement est une longue bataille qui mérite toute notre attention. L’écriture est là pour heurter nos consciences parfois bien meurtries et dépendantes des jugements. Quand on lit l’histoire de Mélodie Ducoeur, on a les larmes aux yeux au début du roman. On entend le cri de Dimitri et on se sent impuissant.
On ne doit pas juger quelqu’un au premier regard mais on doit surtout apprendre à entendre l’écho de son âme pour l’aimer tout simplement.
Que nous soyons enfant, adulte subissant le jugement des autres, n’oublions jamais que nous sommes les créateurs de notre vie. Personne ne doit nous manipuler et nous rendre faible. Personne n’est parfait. Cela n’existe pas dans le monde des hommes et des femmes. Il n’y a que des êtres qui existent et qui peuvent offrir leur richesse au monde.